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Cette architecture, comme je l'ai mentionné dans la note 12, comporte trois grands moments structuraux: l'Origine, qui coincide avec le dispositif de Brunelleschi, la Perspective proprement dite, dont l'artefact de référence ou le modèle est la Città ideale, et l'Istoria, dont La réception des ambassadeurs est un bon représentant . Ces trois moments sont longuement analysés dans l'ouvrage de Damisch. Je les résumerai très brièvement ainsi: (1) l'Origine est le moment fondateur, celui où le dispositif de la perspective en son entier est mis en place, ce qui implique (a) la désignation explicite du point de vue (l'orifice dans le panneau du tableau représentant le baptistère San Giovanni, doublé du miroir qui réfléchit ce tableau pour l'oeil regardant par cet orifice), (b) la présence de l'objet représenté, à savoir le baptistère San Giovanni, devant lequel l'observateur doit se placer à une distance appropriée, de sorte que la réalité complète en quelque sorte le tableau qui en représente une partie, formant une continuité avec lui; on a ainsi un tryptique de concepts: le point de vue (le sujet), le tableau (la représentation) et la place publique (la réalité); (2) la Perspective proprement dite concerne le moment de logique interne du tableau, laquelle est une logique de symétrie , en particulier de symétrie bilatérale et donc en un certain sens une structure ternaire, impliquant un point idéalement central, en profondeur (le point de fuite), flanqué de deux régions latérales à équidistance de ce point; le point de fuite répond ici au point de vue, non pas au sens où il en est la représentation dans le tableau, mais dans la mesure où "ces deux points se situent, dans l'espace à trois dimensions [qui est celui du dispositif], sur une même ligne perpendiculaire au plan du tableau" ; il y a donc une articulation formelle (dans l'ordre de tout le dispositif perspectiviste) entre l'Origine et la Perspective proprement dite; (3) l'Istoria coincide quant à elle avec le moment structural de latéralité, une latéralité introduite bien sûr par la symétrie de la Perspective et qui constitue son lien interne avec elle en équilibre triangulaire, en quelque sorte, avec le lien entre point de fuite et point de vue qui relie formellement la Perspective et l'Origine; or la latéralité, qui repose en peinture sur un 'tiers point', le point de distance , correspond en scénographie à la dissociation du point de fuite de la toile de fond et de celui de la scène, ce dernier pouvant varier dans l'espace selon les besoins de la narration (en particulier pour ce qui est du plan incliné de la scène où se jouent les raccourcis ); la latéralité se trouve ainsi associée à l'aspect scénographique du tableau, un aspect richement exploité notamment dans les cycles narratifs de Carpaccio. Istoria et Origine sont ainsi mis en balance par la Perspective proprement dite, comme si la symétrie bilatérale de la Città ideale signifiait, par-delà sa propre logique (syntaxe) interne, la dimension (sémantique) de la représentation d'une part (le rapport au monde introduit par le dispositif de Brunelleschi) et la dimension (pragmatique) de l'usage d'autre part (le rapport à l'histoire développé dans les tableaux de Carpaccio). |
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